Sociétés françaises en Afrique : recrutements et risques de discrimination, quelles sont les bonnes pratiques ?
Le 04/05/2018
En qualité de sociétés françaises opérant en Afrique, il est souvent difficile de se positionner face aux particularités liées au continent :
Les critères discriminatoires peuvent-ils réellement tous être effacés dans le cadre de recrutements et de promotions ? Pour ces sociétés, quel cadre juridique prévaut ?
En tant que spécialistes du recrutement pour la zone Afrique, nous nous devons d’apporter des informations extrêmement concrètes pour assurer à nos clients une conformité avec la loi.
Dans quel cadre juridique opérer ?
Une société française opérant en Afrique se doit de respecter le cadre juridique français.
Cela dit, lorsque certains recrutements sont gérés par les filiales, et si celles-ci sont de droit local, la législation française ne prime pas nécessairement.
Le droit français, issu du droit communautaire, est très clair sur la notion de discrimination :
- Constitue une discrimination la situation dans laquelle une personne est traitée, en raison d’un motif prohibé, de manière moins favorable qu’une autre dans une situation comparable.
- Parmi les motifs prohibés, au nombre de 20, il y a « la situation familiale », « le sexe », « l’âge », « le patronyme » « l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race »…etc..
Concrètement et en matière de recrutement, la dérive a lieu lorsque la discrimination se fait de façon volontaire avec des intentions négatives et excluantes motivées par des préjugés eux-mêmes guidés par des croyances ( stéréotypes ) sur certaines catégories de personnes.
A quel point les équipes RH "siège" et les équipes RH locales sont-elles sensibilisées à la diversité ?
- Le rôle des sièges vs. le rôle des filiales
Les équipes RH siège de sociétés françaises opérant en Afrique ne sont pas toujours au fait des contextes locaux et sont également peu informés des cooptations sur le continent. Par ailleurs, le siège a pour mission de définir les politiques RH groupe, notamment en matière de diversité conformément à la législation française ; ces procédures sont ensuite déclinées dans les filiales et contribuent ainsi à promouvoir la diversité au niveau local.
Les équipes RH locales ont pour rôle d’adapter ces politiques aux contextes nationaux ; ils sont à la fois garants de l’application des principes et de la remontée des éventuels dysfonctionnements ou mauvaises pratiques locales. Ces équipes ont également la charge de gérer les recrutements et les promotions internes. Seulement, ces mêmes équipes mettent l’accent sur des pratiques de favoritisme encore présentes, freinant la bonne application d’une politique exclusivement basée sur les performances (lié à la pression du top management, des responsables d’équipe et voire même de leurs propres services).
- Formation des équipes RH
Les équipes RH en France sont quasi systématiquement formées à la gestion de la diversité et l’intègre à leur Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) pour être en conformité avec la législation française. Ces politiques RH groupe sont ensuite déclinées dans les filiales et contribuent ainsi à faire vivre cet engagement en local.
Néanmoins, les équipes RH locales déplorent un manque de formation en matière de GPEC : elles bénéficient certes de procédures générales définies par le siège mais doivent effectuer tout un travail d’adaptation des normes au contexte local et n’ont pas forcément les outils pour les aider. De leur côté, les RH sièges considèrent que leurs homologues en Afrique ont pour la plupart une spécialisation en administration du personnel au détriment de la gestion du développement RH dans sa globalité. Les RH locales ont donc un rôle majeur à jouer dans le développement des compétences ainsi que sur l’identification de talents en filiales.
Local content
Actuellement, un antagonisme freine l'évolution des pratiques : certains accords de « nationalisation des postes » par les gouvernements peuvent s’opposer aux politiques de recrutement fondées exclusivement sur les compétences.
Le « local content » est une obligation mise en place par les gouvernements, qui font face à une pression démographique générée par des taux de chômage élevés, notamment parmi les populations jeunes. Certains gouvernements visent à appliquer cette politique malgré le manque de profils qualifiés sur la région (lié à un manque d’instituts spécialisés par exemple, etc..). Ces politiques de « local content » poussent néanmoins à la fois les RH siège et locales, à revoir l’intégralité de la pyramide managériale en mettant en place une véritable politique de gestion de talents qui à plus ou moins long terme (5-10 ans), voit émerger des top managers locaux. En la matière, des campagnes de communication internes ont d’ailleurs été amorcées dans un certain nombre d’entreprises. Aussi, l’évolution des mentalités vers une modernisation des pratiques est parfois freinée par le personnel senior qui garde un poids décisionnel important dans la société.
Quelques bonnes pratiques observées :
Le sujet de la discrimination semble être le plus souvent évoqué lors du départ ou lors d’une promotion d’un collaborateur ; aussi la mise en place d’un système d’appréciation de compétences et d’évaluations des résultats via des ratios et des chiffres permet d’apporter les indicateurs nécessaires afin d’en objectiver les raisons, tout au long de la carrière professionnelle du salarié.
Un soutien du siège ou du hub Afrique dans les projets d’organisation des process RH visant de meilleures pratiques ainsi qu’une plus grande diversité est parlante pour les salariés comme pour les équipes RH qui se sentent ainsi soutenues dans leur démarche.
Dans cette optique, certains groupes ont pris le parti de former leurs DRH africains à la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences selon la législation française ; d’autres ont également mis à disposition un référent auprès de qui trouver appui en cas de blocage dans le recrutement ou la promotion en local.
Par ailleurs, une communication top-down pour l’ensemble du personnel promouvant la méritocratie et la mobilité basée sur les compétences permet d’atteindre une meilleure GPEC. Cela nécessite d’être parfois inflexible afin de faire évoluer les mentalités, mais cela donne aussi lieu à de réelles success-stories.
Préparer l’arrivée des nouveaux entrants par la mise en place d’une formation interculturelle et avoir une politique de diversité assumée sont également nécessaires.
Pour faire face aux obligations de « local content », l’engagement dans le développement des ressources sur le long terme est nécessaire pour les entreprises opérant sur la zone.
Les entreprises participent ainsi à l’éducation de leurs futurs embauchés en mettant en place leurs propres instituts de formation, en ouvrant des postes en stages de pré-embauche ou encore en finançant des programmes de formation métier.
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